Après une année 2022 marquée par de nombreux chocs, cette nouvelle année débutait sur fond de risque de récession et de poursuite du resserrement monétaire entamé il y a quelques mois par les banques centrales. Paradoxalement, les principaux indices boursiers ont progressé ces dernières semaines (environ +10 % pour le CAC40 et +7 % pour le S&P500 depuis le 1er janvier). Toute la question est de savoir si ce rebond est fondé ou s’il s’inscrit davantage dans le cadre d’un syndrome « FOMO » des marchés (« Fear Of Missing Out » ou « peur de manquer »).
Les données économiques continuent d’être scrutées de près par les banquiers centraux dans le but d’affiner leur stratégie sur la trajectoire de taux qui sera appliquée dans les prochains mois.
L’inflation semble tout d’abord fléchir légèrement avec un constat toutefois différent de part et d’autre de l’Atlantique :
- En Zone Euro, l’inflation est ressortie à +8,50 % en rythme annualisé en janvier. L’inflation sous-jacente reste quant à elle stable à +5,20 %.
- Aux États-Unis, l’inflation a atteint +6,50 % en décembre, confirmant la décélération entamée depuis le pic atteint l’été dernier. Contrairement à l’Europe, l’inflation sous-jacente ralentit également.
Une entrée en récession de l’économie américaine est largement anticipée par les marchés. Le scénario central est néanmoins celui d’un « atterrissage en douceur » de l’économie, synonyme de « légère récession » qui serait ensuite suivie d’une reprise dans le courant de l’année 2023.
Ce scénario paraît résolument optimiste même si les dernières données macro-économiques ne permettent ni de confirmer, ni d’infirmer ces prévisions : le marché de l’emploi reste très tendu (3,40 % de taux de chômage soit le taux le plus faible depuis 1969 et presque deux fois plus de postes offerts que de demandeurs d’emploi), ce qui a plutôt tendance à conforter la Fed dans sa politique de hausse de taux tandis que l’activité manufacturière (ISM) est en contraction, ce qui est plutôt, au contraire, un argument pour un desserrement de sa politique monétaire.
Dans ce contexte, la Fed a procédé à une nouvelle hausse de taux (0,25 %) pour porter ses principaux taux directeurs entre 4,50 % et 4,75 %. Cette augmentation était anticipée par les marchés qui ont donc bien réagi à cette nouvelle. Ils espèrent en effet que le taux « pivot » soit bientôt atteint.
La BCE a de son côté procédé à une nouvelle hausse de 0,50 %, qui sera suivie d’une nouvelle majoration dans les mêmes proportions le mois prochain (ce qui portera le niveau du principal taux directeur à 3,50 %).
En réaction, les taux longs ont eu étonnamment tendance à diminuer. Cette décorrélation entre les taux directeurs appliqués par les banques centrales et les taux longs entraîne une inversion de la courbe de taux. Nous notons ainsi un écart négatif record depuis 1982 entre les taux à 10 ans (taux longs) et les taux à 3 mois (taux courts), ce qui peut être interprété comme le signe que les marchés prédisent une récession ou jugent les politiques monétaires menées par les banques centrales trop restrictives. Cet environnement de taux a profité aux valeurs de croissance (celles du Nasdaq en particulier malgré des résultats mitigés), tandis que le secteur de l’énergie a au contraire été pénalisé par la poursuite de la baisse des cours du pétrole.
Notre sentiment est que nous pouvons juger comme excessif le rebond que nous avons connu ces dernières semaines, qui s’explique davantage, d’après nous, par des facteurs techniques (rachat de positions « short »). L’hypothèse d’une récession sévère aux États-Unis, qui aurait forcément un impact compte-tenu des niveaux de valorisation actuels (les prévisions de bénéfices n’intégrant pas pour l’heure ce scénario), ne semble pas être celle privilégiée par les marchés à ce jour.