Un vent de panique a soufflé cette semaine sur les marchés, à la suite de la défaillance de plusieurs banques américaines et des difficultés rencontrées par le Crédit Suisse en Europe.
Cela rappelle naturellement de mauvais souvenirs au secteur financier avec la faillite de Lehman Brothers et la crise des subprimes qui restent dans toutes les mémoires.
Il convient néanmoins, d’après nous, de prendre du recul afin de comprendre les raisons des défaillances actuelles et surtout d’estimer leurs éventuelles conséquences.
Nous vous proposons tout d’abord de revenir sur les faits :
Les banques américaines qui ont fait défaut sont Silicon Valley Bank (SVB), Signature Bank et Silvergate Bank. Ces trois établissements étaient de taille moyenne et intervenaient sur des secteurs bien spécifiques (industrie technologique, cryptomonnaie).
Ces dernières heures, un nouvel établissement a été cité comme étant en difficulté (First Republic).La règlementation du système bancaire est différente aux États-Unis par rapport à ce que nous connaissons en Europe. Globalement, les banques américaines qui ont plus de 250 milliards d’actifs (treize à ce jour) sont soumises aux mêmes règles (ratios de solvabilité et de liquidité minimums, limitation de l’effet de levier) que les banques du vieux continent. Les autres, dont les établissements mentionnés ci-avants font partie, sont beaucoup moins contraintes.
Le principal problème identifié concerne la liquidité, c’est-à-dire la capacité à faire face au retrait des dépôts dans de bonnes conditions. SVB a été confrontée à des retraits importants de ses clients professionnels qui évoluent dans le secteur technologique et qui ont été fragilisés par l’évolution des taux ces derniers mois. Ces premiers retraits ont permis de constater que la banque était surexposée aux marchés obligataires et avait donc vu ses actifs se dévaloriser fortement en 2022. Ce constat a donc entraîné un phénomène de « bank run », les clients cherchant à retirer leurs dépôts de façon simultanée.
En Europe, les inquiétudes se sont portées sur le Crédit Suisse. Les problématiques sont différentes dans la mesure où cet acteur présente des fondamentaux solides (solvabilité, liquidité). Cette banque engrange néanmoins depuis plusieurs mois de lourdes pertes et a entamé en fin d’année dernière un processus de restructuration avec plusieurs recapitalisations. Le plus grand actionnaire du Crédit Suisse (la Banque Nationale Saoudienne) a néanmoins annoncé cette semaine qu’il n’injecterait plus de liquidités dans la banque suisse si elle venait à en avoir besoin, ce qui a déclenché l’effondrement de sa valorisation boursière.
La réaction des autorités de part et d’autre de l’Atlantique a été forte et rapide, ceci afin d’éviter l’effet de contagion et l’apparition de risques systémiques :
▪ Les autorités américaines, la FDIC et la Fed en premier lieu, ont réagi rapidement. La garantie légale sur les dépôts porte habituellement sur 250 000 dollars, les autorités ont décidé d’étendre la garantie dans le cas présent à l’ensemble des dépôts, sans limite de plafond.
Aussi, un mécanisme d’urgence a été mis en place. Il s’agit d’une ligne de refinancement exceptionnel de 25 milliards de dollars qui permet aux banques d’apporter leurs obligations en collatéral sur la base de leur valorisation au pair et non de leur valeur de marché. 165 milliards de dollars ont été injectés depuis le début des défaillances.
Par ailleurs, pour empêcher la contagion, les onze plus grandes banques américaines ont choisi d’apporter leur aide à First Republic en injectant 30 milliards de dollars de dépôts.
▪ Le Crédit Suisse a de son côté reçu le soutien de la Banque Nationale Suisse. Elle a ainsi exercé une option pour emprunter jusqu’à 50 milliards de francs suisses.
Christine Lagarde, présidente de la BCE, a adopté également un ton rassurant « le secteur bancaire de la zone euro est résilient et dispose de positions de capital et de liquidités solides ».
Dans ce contexte, nous pouvions anticiper des conséquences sur la politique de hausse de taux menée par la Fed et la BCE. Celle-ci a pour objectif de juguler l’inflation mais contribue, compte-tenu de sa force et de sa rapidité, à fragiliser certains acteurs et à créer les conditions d’une crise financière :
La BCE qui tenait une réunion jeudi 16 mars n’a pas modifié sa stratégie et a annoncé une nouvelle hausse de 50 points de base, ses taux se situant désormais dans une fourchette comprise entre 3% et 3,75%. D’après les derniers chiffres publiés, l’inflation a reculé en février (8,50% en rythme annuel) tandis que l’inflation sous-jacente (hors énergie et alimentation) continue de progresser (5,60%).
La Fed de son côté, en avance sur le processus de hausse de taux, devrait malgré tout procéder à une nouvelle augmentation de 25 points de base la semaine prochaine pour porter ses taux entre 4,75% et 5%. Cette probable nouvelle hausse est la conséquence directe de la robustesse de l’économie américaine. La Fed doit néanmoins désormais concilier ses objectifs économiques avec le maintien de la stabilité du système bancaire. Elle pourrait donc porter ses taux sur des niveaux moins élevés que ce qui était anticipé jusqu’à présent mais de façon plus durable.
Les cas particuliers auxquels nous sommes confrontés ainsi que la réponse forte des autorités pour éviter tout risque de contagion, font que nous ne sommes pas d’après nous, en l’état actuel des informations dont nous disposons, dans un contexte de crise systémique comparable à ce que nous avons vécu en 2008. Cela rappelle en revanche aux banques centrales l’importance de poursuivre leurs actions sans prendre le risque de déséquilibrer le système financier.